Pour ou contre le Franc CFA ?

Le Franc CFA a été créé en 1945 et avait pour signification le « Franc des Colonies Françaises d’Afrique » avant de devenir plus tard en 1958, le « Franc de la Communauté Française d’Afrique ». Depuis sa création en 1945, le Franc CFA (Communauté Financière Africaine) suscite des débats passionnés et des opinions divergentes. Utilisé par les huit pays de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), et la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) le Franc CFA a été conçu comme un outil économique et monétaire pour favoriser la stabilité financière dans la région. Cependant, son lien controversé avec la France engendre un débat entre les partisans d’un statu quo qui fondent leur argumentation sur les avantages du Franc CFA et ses détracteurs qui voient en cette monnaie un lien de subordination économique qui entrave le développement économique des pays de la zone Franc. 

Zone Franc : UEMOA en vert et CEMAC en rouge




Les Avantages du Franc CFA

1.       Stabilité Monétaire

 L'un des avantages attribués au Franc CFA est la stabilité monétaire qu'il apporte aux pays de la zone Franc. Grâce à son arrimage à l'euro, le Franc CFA bénéficie d'une certaine stabilité face aux fluctuations monétaires mondiales, ce qui peut contribuer à réduire l'inflation et à encourager les investissements, « De tout temps la signification de ce concept [stabilité monétaire]  est demeurée intacte pour les pays utilisant le franc CFA : favoriser le libre transfert de surplus économiques vers la métropole (l’extérieur) sans risque de change et avec l’assurance que ces sorties financières ne seront pas interrompues par une pénurie de devises » (SYLLA, 2018). En d’autres termes cela signifie que son pouvoir d'achat ne change pas brusquement comme d'autres devises. En conséquence, cela peut aider à maintenir les prix stables (moins d'augmentation des prix) et rendre les investissements plus attrayants pour les entreprises, ce qui peut être bénéfique pour l'économie de ces pays.

2.       Accès au Marché Européen

 L'ancrage de la monnaie au taux de change fixe avec l'euro permet aux pays de l'UEMOA d'avoir un lien économique étroit avec la zone euro. Cela facilite les échanges commerciaux et les transactions internationales, offrant aux pays membres un accès potentiellement plus facile au marché européen. Ainsi « La garantie de convertibilité illimitée est accordée par la France : en cas de choc sur la situation des comptes extérieurs de l’une des sous-régions de la Zone franc qui se traduirait, par exemple, par l’impossibilité pour les États de la sous-région d’assurer en devises le paiement de leurs importations, le Trésor français s’engage à apporter les sommes nécessaires en euros. » (Trésor_FR, 2021). En conséquence, cet ancrage du Franc CFA pourrait rendre plus facile pour les pays membres de l'UEMOA de faire des affaires avec les pays européens, car ils n'ont pas à se soucier des fluctuations de change, ce qui peut encourager le commerce et ouvrir des opportunités d'accès au marché européen.

3.       Garantie de Convertibilité

 La garantie de convertibilité du Franc CFA fournie par la France signifie que les pays de l'UEMOA peuvent échanger leur monnaie contre l'euro à tout moment. Cela peut renforcer la confiance des investisseurs étrangers et encourager les flux de capitaux dans la région. De ce fait « La libre convertibilité est assurée par un droit de tirage sur un compte d’opération auprès du Trésor français, que les banques centrales des deux zones peuvent utiliser en cas d’épuisement de liquidités. En contrepartie de cette garantie de convertibilité en euros, celles-ci doivent déposer 50 % de leurs réserves officielles sur ce compte qui fonctionne comme un compte à vue, donc rémunéré. Également, la garantie s’assortit d’un certain nombre de contrôles des politiques budgétaires, monétaires et de change des pays membres. (Bsi-economics.org). L’intérêt de la garantie accordé par la France permet de renforcer la confiance dans la monnaie et d’éviter les crises de change, de lutter contre l’inflation (hausse des prix), de faciliter les échanges commerciaux et financiers avec la zone euro et d’inciter à discipline budgétaire des pays membres.

Comme nous pouvons le constater, les avantages du Franc CFA reposent sur la garantie de convertibilité et celle-ci est rarement activée « car aujourd’hui le Fonds monétaire international et la France poussent systématiquement les pays de la zone Franc à la dévaluation, dès qu’un épuisement de leurs réserves se profile à l’horizon » (KOUASSI, 2021). Nous sommes en face d’un discours trompeur entretenu à dessein. La dévaluation désigne la dépréciation de la valeur d'une monnaie par rapport à une autre, dans ce cas-ci l’Euro.

Les Inconvénients du Franc CFA

1.       Perte de souveraineté monétaire 

L'utilisation du Franc CFA implique une perte de contrôle sur la politique monétaire et les taux de change. Les pays membres n'ont pas de pouvoir direct sur les décisions de la Banque de France, qui gère la politique monétaire du Franc CFA. Les états qui utilisent le Franc CFA sont obligés de déposer 50% de leurs réserves monétaires au Trésor français, ce qui « Pour l'économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé, ces dépôts "privent les pays concernés de liquidités" et leur fait perdre une partie de leur "souveraineté". "Vous imaginez la banque centrale européenne déposer 50% de ses réserves à Washington ? Cela paraît impensable", souligne-t-il » (SlateAfrique, 2016)

Les pays africains n’ont donc aucun contrôle sur la valeur de leur monnaie et de la manière dont elle est gérée. Si la valeur de l’euro augmente, la valeur du Franc CFA augmente et vice-versa. Ils n’ont aucune prise sur l’euro. La parité est fixe entre l’euro et le franc CFA alors que celle de l’euro avec les autres monnaies n’est pas fixe.

Cette situation engendre une étroite dépendance économique vis-à- vis de la France et du marché européen, les banques centrales du CEMAC et de l’UEMOA devant déposé 50% de leurs réserves monétaires à la Banque de France « ressemble à un impôt colonial que les pays africains versent à la France ». (La nouvelle tribune, 2017). Les liens économiques avec la France se renforcent ainsi au détriment des liens de coopérations économiques sous régionales.

Par ailleurs, la monnaie étant un instrument économique, et un élément intangible de la souveraineté d’un pays, « Les banques centrales n’apportent donc pas un concours suffisant au financement de l’activité économique. Aussi, la libre transférabilité engendre la fuite des capitaux indispensables pour un réinvestissement dans ces économies. Cet état de chose permet aux multinationales, françaises en occurrence, de rapatrier facilement leur profit vers la France pour réinvestir ailleurs au détriment de l’investissement en Afrique. Ce qui décourage l’épargne nationale et favorise l’emprunt extérieur. Conséquence, les pays sont dans un cercle vicieux de l’endettement chronique. » (La nouvelle tribune, 2017)

2.       Symbole de l'Héritage Colonial 

Le Franc CFA, tout comme les bases militaires françaises en Afrique ainsi que les accords de défense sont les derniers vestiges du colonialisme français en Afrique, un symbole du néocolonialisme et de la Françafrique.  Le franc CFA est une monnaie créée en 1945 pour les colonies françaises d’Afrique qui existe depuis sans changement notable de paradigme de coopération monétaire, sinon un changement d’appellation. Le Franc des colonies françaises d’Afrique est devenu le Franc de (franc de la Communauté financière africaine en Afrique de l’ouest et le franc de la Coopération financière en Afrique en Afrique centrale.  Les réserves de devise des pays africains sont toujours logées au Trésor français où elles constituent une bouée d’oxygène pour l’économie française qui peut en dispose à sa guise. Ce qui a amené l’ancien Président Gabonais, feu Omar BONGO, a affirmé que « Nous sommes dans la zone franc. Nos comptes d’opérations sont gérés par la Banque de France, à Paris. Qui bénéficie des intérêts que rapporte notre argent ? – la France ». (La nouvelle tribune, 2017)

3.       Pertes de compétitivité économique

Bien que la stabilité monétaire puisse avoir des avantages, le maintien du taux de change fixe avec l'euro peut entraver la compétitivité des économies locales. Le Franc CFA comme l’euro est une monnaie forte qui entrave les exportations des pays africains qui l’ont en commun. Ainsi « Si l'euro s'apprécie par rapport au dollar, la dette des pays de la zone franc augmente mécaniquement et il y a une surévaluation du taux de change qui pénalise leur compétitivité. » (La nouvelle tribune, 2017). De ce fait elle ne favorise ni la production, ni les exportations autre que celles des matières premières donc explique d’une part la paupérisation massive des populations et la faiblesse des marchés nationaux. Les économies de la zone Franc reste extraverties fortement arrimées à l’économie française leur principale partenaire économique.

En conclusion, le Franc CFA continue de susciter des débats au sein des pays de l'UEMOA. Alors que certains voient les avantages de la stabilité monétaire et de l'accès au marché européen, d'autres soulignent les inconvénients liés à la perte de souveraineté monétaire et à la dépendance économique. Que l'on considère le Franc CFA comme un outil de développement ou comme un vestige colonial, il est indéniable que la question mérite une réflexion approfondie sur son rôle dans l'avenir économique des pays de l'UEMOA.

 

Bibliographie

  1. bsi-economics.org. (s.d.). Le franc CFA à l’heure des choix.
  2. KOUASSI, K. (2021). que retenir de la convention de garantie et de la réforme du Franc CFA. Tribune: www.financialafrik.com.
  3. La nouvelle tribune. (2017). Impact du franc CFA sur le développement des pays africains. La nouvelle Tribune.
  4. SlateAfrique. (2016). Le franc CFA, quels avantages et quels inconvénients ? SlateAfrique.
  5. SYLLA, F. P. (2018). L’Arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc Cfa. Le Quotidien.
  6. Trésor_FR. (2021). Les principes et modalités de fonctionnement de la coopération monétaire.

 

 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les BRICS comme Modèle de Développement : Opportunités, Défis et Inspirations pour les Pays du Tiers-Monde